Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/384

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et à fonder l’équilibre de la société. Pour que le suffrage universel devienne une puissance véritablement organique, il faut qu’au lieu de s’appliquer à l’élection du législateur et du magistrat, au lieu de se faire complice et solidaire d’un ordre gouvernemental devenu impossible, il serve simplement d’expression commune aux transactions et garanties industrielles, lesquelles n’ont besoin, pour leur exécution, de prince ni de législateur.

Ainsi, et pour conclure, cette question des fortunes moyennes, que dans l’état actuel de la civilisation il faut considérer comme le problème du siècle, et qui contient l’avenir, non-seulement de la France, mais de l’humanité ; cette question est insoluble par aucune espèce de constitution de l’autorité. Pour la résoudre, il faut sortir de la sphère des idées antiques, s’élever, à l’aide d’une nouvelle science, au-dessus des dogmes religieux, des artifices constitutionnels, des pratiques usuraires du capital, des routines aléatoires de l’échange. Il faut créer de toutes pièces l’économie sociale, nier tout à la fois et l’autorité civile et ecclésiastique, et la prélibation propriétaire.

Sans doute le sacrifice doit paraître dur à des intelligences saisies à l’improviste, abusées, depuis 50 ans, par les logomachies des moralistes et des hommes d’État. La conscience publique murmure, lorsque pour la première fois elle entend attaquer, au nom du Progrès, de la Liberté, de la Raison, du Droit social, l’Être divin. La propriété gronde à la négation de la police. La démocratie s’indigne elle-même, quand une voix irrespectueuse ose inculper ses auteurs et violer le Panthéon de ses saints.

Patience ! cette sensation de pénible surprise sera de courte durée. Les imaginations se calmeront vite, dès qu’elles auront compris que cette négation universelle est le dernier terme des positions antérieures ; dès qu’elles se seront convaincues qu’il n’est pour le peuple ni sécurité