Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/385

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ni bien-être dans l’ancien milieu, et qu’il faut de toute nécessité ou abandonner la tradition ou renoncer à l’équilibre.

Au surplus, la conversion s’opère toute seule. Le prolétariat, peu à peu déjacobinisé, demande sa part, non plus seulement de suffrage direct dans les affaires de la société, mais d’action directe. Or, le moyen de satisfaire ce désir, avec les vieilles hypothèses de Gouvernement et de Constitution politique ? La bourgeoisie, mise en demeure par la logique de la réaction, d’opter entre la Révolution et l’absolutisme, se détourne avec effroi des jésuites, et se déclare, sans hésiter, libérale et révolutionnaire. Encore un peu de temps, elle affirmera avec nous la religion de Hegel, de Lessing, d’Anacharsis Clootz, de Diderot, de Molière, de Spinoza, la religion qui ne reconnaît ni pontife, ni empereur, ni improducteur, la religion de l’humanité.


Richelieu était mort. La féodalité agonisante crut qu’elle allait revivre : elle n’avait en face d’elle que le Mazarin. Quel moment pour le vieux principe, s’il conservait vertu ! On se parle, on s’agite, on se coalise contre la monarchie-enfant : le parlement est entraîné, la bourgeoisie séduite, le peuple fanatisé. On court aux barricades ; on se bat au faubourg Saint-Antoine et à Charenton. La cour est forcée de fuir ; la réaction maîtresse impose ses conditions à la royauté.

C’est alors que les jalousies et les divisions éclatent. Les agitateurs ne savent plus ce qu’ils veulent ; leur force manquant de but devient de l’impuissance : la Fronde, depuis qu’elle est victorieuse, paraît ridicule. Les plus avisés se hâtent de transiger avec la cour ; le fantôme s’évanouit dans la défection ; Louis XIV grandit, Mazarin meurt en paix, et la monarchie absolue est fondée.

Nous sommes dans une situation analogue.