Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/92

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notre maître ! a dit l’homme du peuple par excellence, le vieux La Fontaine.

Voici donc quel était le plan des meneurs, Louis Blanc à la tête : 1° demander au Gouvernement provisoire l’ajournement des élections, afin de lui assurer cette autorité dictatoriale, sans laquelle, dit Louis Blanc, il ne pouvait faire le bien ; 2° modifier la composition du gouvernement. Car, et c’est encore Louis Blanc qui l’avoue, il existait entre les divers membres du Gouvernement provisoire des dissidences graves, incompatibles avec l’exercice de la dictature : or, qui veut la fin veut les moyens. À quoi bon une autorité dictatoriale, si le gouvernement demeurait hétérogène ?

Mais quels seraient les dictateurs ?...

À cette question délicate, on allait, chose merveilleuse, trouver pour toute réponse la réaction ! Écoutons le fidèle narrateur.

« Mais, je l’avoue, l’idée de la manifestation elle-même m’effraya. J’avais de la peine à croire que plus de 150,000 ouvriers traversassent tout Paris sans y causer la moindre agitation, sans y donner lieu au moindre désordre... »

Une fois arrivés au pouvoir les hommes se ressemblent tous. C’est toujours le même zèle de l’autorité, la même méfiance du peuple, le même fanatisme de l’ordre. N’est-il pas plaisant de voir que, le 17 mars, les préoccupations qui agitaient Louis Blanc, fauteur secret de la manifestation, étaient précisément les mêmes que celles qui, trois semaines auparavant, avaient agité M. Guizot ?

« Le peuple devait se porter en masse à l’Hôtel-de-Ville pour obtenir l’ajournement des élections. Cette grande démarche serait-elle sans danger ? Jusqu’alors Paris, le Paris de la révolution, avait été admirable de majesté tranquille et de puissant repos, ne devions-nous pas veiller à ce qu’il gardât jusqu’au bout cette noble attitude... »