Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/93

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remarquable, n’a reçu une organisation puissante, que dans notre siècle. Ce retard tenait à la fois à l’état de l’industrie et aux habitudes de la propriété.

Autrefois, et il n’y a pas beaucoup plus de quarante à cinquante ans de cela, le capitaliste engageait volontiers ses fonds, comme le propriétaire affermait ses domaines, pour un terme plus long que la vie de l’homme, quelquefois même à perpétuité. C’étaient des baux de quarante-neuf et quatre-vingt-dix-neuf ans, des constitutions de rentes viagères ou perpétuelles, des emphythéoses, champarts, domaines congéables, etc. Les transactions semblaient faites, comme les bâtisses, pour des éternités.

Aujourd’hui il n’y a plus guère que des compagnies à millions qui se constituent pour une pareille durée. Encore le nombre d’années prévu dans leurs actes a-t-il bien plus pour objet de faire valoir la richesse de leur exploitation, l’importance de la concession qui leur est faite, la solidité et la sécurité qu’elles offrent aux actionnaires, que d’affirmer dans sa teneur littérale l’effectivité de leur durée. Le temps est de l’argent, disent les Anglais. La durée d’une commandite n’est, pour ainsi dire, qu’une forme d’appréciation de sa valeur. Une société se constitue au capital de…… et pour une durée de……, voilà l’affaire. Le chiffre du capital, ajouté à celui de la durée, constitue la valeur réelle de l’entreprise. Une fois établie, elle tiendra ce qui sera nécessaire, ou qu’elle jugera utile à ses intérêts : la fixation du terme, ordonnée par la loi, ne signifie pas autre chose.

La division du travail, dont l’effet le plus remarquable et le moins prévu a été de solidariser les industries ; la multiplicité des entreprises, notamment en ce qui concerne les travaux publics ; le développement de la mécanique, qui réduit presque à rien la production individuelle, et l’immense circulation qui en a été la suite : toutes ces causes ont fait subir à la propriété, à la consommation, à l’état des citoyens, des modifications aussi profondes que variées, dont la Bourse est devenue l’expression et l’écho. Sous l’action de ces causes irrésistibles, un capitaliste avisé ne se dessaisit plus de ses fonds, par un acte spécial, individuel, nominatif,