et la liberté, c’est-à-dire par l’égoïsme ? Comment enfin concilier ce que le progrès accompli a eu pour effet de rendre inconciliable ? Faire appel à la communauté et à la fraternité, ce serait anticiper sur les dates : il n’y a rien de commun, il ne peut exister de fraternité entre des créatures telles que la division du travail et le service des machines les ont faites. Ce n’est pas, quant à présent du moins, de ce côté que nous devons chercher une solution.
Eh bien ! dira-t-on, puisque le mal est encore plus dans les intelligences que dans le système, revenons à l’enseignement, travaillons à l’éducation du peuple.
Pour que l’instruction soit utile, pour qu’elle puisse même être reçue, il faut avant tout que l’élève soit libre, comme, avant d’ensemencer une terre, on l’ameublit par la charrue, et on la débarrasse des épines et du chiendent. D’ailleurs, le meilleur système d’éducation, même en ce qui concerne la philosophie et la morale, serait celui de l’éducation professionnelle : or, comment encore une fois concilier cette éducation avec la division parcellaire et le service des machines ? Comment l’homme qui, par l’effet de son travail, est devenu esclave, c’est-à-dire un meuble, une chose, redeviendra-t-il par le même travail, ou en continuant le même exercice, une personne ? Comment ne voit-on pas que ces idées répugnent, et que si, par impossible, le prolétaire pouvait arriver à un certain degré d’intelligence, il s’en servirait d’abord pour révolutionner la société, et changer tous les rapports civils et industriels ? Et ce que je dis n’est pas une vaine exagération. La classe ouvrière, à Paris et dans les grandes villes, est fort supérieure par ses idées à ce qu’elle était il y a vingt-cinq ans ; or, qu’on me dise si cette classe n’est pas décidément, énergiquement révolutionnaire ! Et elle le deviendra de plus en plus à mesure qu’elle acquerra les idées de justice et d’ordre, à mesure surtout qu’elle comprendra le mécanisme de la propriété.
Le langage, je demande la permission de revenir encore une fois à l’étymologie, le langage me semble avoir nettement exprimé la condition morale du travailleur, après qu’il a été, si j’ose ainsi dire, dépersonnalisé par l’industrie. Dans le latin, l’idée de servitude implique celle de subalternisa-