du monde. Et puis je ne sais même pas si à ce degré-là cela peut s’appeler de la bêtise. Je ne crois pas que j’aie jamais connu une créature pareille ; c’est un cas pour un médecin, cela a quelque chose de pathologique, c’est une espèce d’« innocente », de crétine, de « demeurée » comme dans les mélodrames ou comme dans l’Arlésienne. Je me demande toujours, quand elle est ici, si le moment n’est pas venu où son intelligence va s’éveiller, ce qui fait toujours un peu peur. » La princesse s’émerveillait de ces expressions tout en restant stupéfaite du verdict. « Elle m’a cité, ainsi que Mme d’Épinay, votre mot sur Taquin le Superbe. C’est délicieux », répondit-elle.
M. de Guermantes m’expliqua le mot. J’avais envie de lui dire que son frère, qui prétendait ne pas me connaître, m’attendait le soir même à onze heures. Mais je n’avais pas demandé à Robert si je pouvais parler de ce rendez-vous et, comme le fait que M. de Charlus me l’eût presque fixé était en contradiction avec ce qu’il avait dit à la duchesse, je jugeai plus délicat de me taire. « Taquin le Superbe n’est pas mal, dit M. de Guermantes, mais Mme d’Heudicourt ne vous a probablement pas raconté un bien plus joli mot qu’Oriane lui a dit l’autre jour, en réponse à une invitation à déjeuner ? »
— Oh ! non ! dites-le !
— Voyons, Basin, taisez-vous, d’abord ce mot est stupide et va me faire juger par la princesse comme encore inférieure à ma cruche de cousine. Et puis je ne sais pas pourquoi je dis ma cousine. C’est une cousine à Basin. Elle est tout de même un peu parente avec moi.
— Oh ! s’écria la princesse de Parme à la pensée qu’elle pourrait trouver Mme de Guermantes bête, et protestant éperdument que rien ne pouvait faire déchoir la duchesse du rang qu’elle occupait dans son admiration.