Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/109

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droiture et une sûreté dans les rapports intimes, qu’il ne faut jamais oublier de reconnaître, quand on lui a dit d’ailleurs ses vérités.  » Tout compte fait, ce Beyle, un brave homme  ! Ce n’était peut-être pas la peine de rencontrer si souvent à dîner, à l’Académie, M. Mérimée, de tant «  faire parler M. Ampère  », pour arriver à ce résultat et, quand on a lu cela, on est moins inquiet que Sainte-Beuve en pensant que viendront de nouvelles générations. Barrès, avec une heure de lecture et sans «  renseignements  », en eût fait plus que vous. Je ne dis pas que tout ce qu’il dit de Stendhal soit faux. Mais, quand on se rappelle sur quel ton d’enthousiasme il parle des nouvelles de Mme Gasparin ou Töpffer, il est bien clair que, si tous les ouvrages du XIXe siècle avaient brûlé sauf les Lundis, et que ce soit dans les Lundis que nous dussions nous faire une idée des rangs des écrivains du XIXe siècle, Stendhal nous apparaîtrait inférieur à Charles de Bernard, à Vinet, à Molé, à Mme de Verdelin, à Ramond, à Sénac de Meilhan, à Vicq d’Azyr, à combien d’autres, et assez indistinct, à vrai dire, entre d’Alton Shée et Jacquemont.

Je montrerai, d’ailleurs, qu’il a en été de même à l’égard de presque tous ses contemporains vraiment originaux  ; beau succès pour un homme qui assignait pour tout rôle à la critique de désigner ses grands contemporains. Et là, il n’avait pas, pour l’égarer, les rancunes qu’il nourrissait contre d’autres écrivains.