Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/137

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jeu qu’elle croit renouvelé de l’ancien, et on commence par convenir que pour ne pas alourdir la phrase on ne lui fera rien exprimer du tout, que pour rendre le contour du livre plus net on en bannira l’expression de toute impression difficile à rendre, toute pensée, etc., et pour conserver à la langue son caractère traditionnel on se contentera constamment des phrases qui existent, toutes faites, sans même prendre la peine de les repenser. Il n’y a pas un extrême mérite à ce que le ton soit assez rapide, la syntaxe d’assez bon aloi, et l’allure assez dégagée. Il n’est pas difficile de faire le chemin au pas de course si on commence avant de partir par jeter à la rivière tous les trésors qu’on était chargé d’apporter. Seulement la rapidité du voyage et l’aisance de l’arrivée sont assez indifférentes, puisque à l’arrivée on n’apporte rien.

C’est à tort qu’on croit qu’un tel art a pu se réclamer du passé. Il ne doit en tout cas, moins que de personne, se réclamer de Gérard de Nerval. Ce qui le leur a donné à croire, c’est qu’ils aiment à se borner dans leurs articles, leurs poèmes ou leurs romans à décrire une beauté française «  modérée, avec de claires architectures, sous un ciel aimable, avec des coteaux et des églises comme celles de Dammartin et d’Ermenonville  ». Rien n’est plus loin de Sylvie.

 

Si quand M. Barrès nous parle des cantons de Chantilly, de Compiègne et d’Ermenonville, quand