Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/138

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il nous parle d’aborder aux îles du Valois ou d’aller dans les bois de Chââlis ou de Pontarmé, nous éprouvons ce trouble délicieux, c’est que ces noms, nous les avons lus dans Sylvie, qu’ils sont faits, non avec des souvenirs de temps réel, mais avec ce plaisir de fraîcheur, mais à base d’inquiétude, que ressentait ce «  fol délicieux  » et qui faisait pour lui de ces matinées dans ces bois ou plutôt de leur souvenir «  à demi rêvé  » un enchantement plein de trouble. L’Ile-de-France, pays de mesure, de grâce moyenne, etc. Ah  ! que c’est loin de cela, comme il y a de l’inexprimable, quelque chose au-delà de la fraîcheur, au-delà du matin, au-delà du beau temps, au-delà de l’évocation du passé même, ce quelque chose qui faisait sauter, dresser et chanter Gérard, mais pas d’une joie saine, et qui nous communique ce trouble infini, quand nous pensons que ces pays existent et que nous pouvons aller nous promener au pays de Sylvie. Aussi pour le suggérer, que fait M. Barrès  ? Il nous dit ces noms, il nous parle de choses qui ont l’air traditionnel et dont le sentiment, le fait de s’y plaire est bien d’aujourd’hui, bien peu sage, bien peu «  grâce moyenne  », bien peu «  Ile-de-France  », selon M. Hallays et M. Boulanger, comme la divine douceur des cierges vacillants en plein jour dans nos enterrements et les cloches dans la brume d’octobre. Et la meilleure preuve, c’est que quelques pages plus loin on peut lire la même évocation, il la fait pour M. de Vogüé, qui, lui, en reste