Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/148

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(et c’est dans une lettre de remerciement et à quelqu’un qui l’a traité avec quelle tendresse et quelle déférence  !)  : «  En faisant cela avec subtilité (première appréciation mais qui peut se prendre en bien ou en mal), avec raffinement, avec un talent curieux (c’est le premier éloge, si c’en est un, il ne faut du reste pas être difficile, ce sera à peu près le seul) et un abandon quasi précieux d’expression, en parlant (souligné par Sainte-Beuve) ou pétrarquisant sur l’horrible…  » et, paternellement  : «  Vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant.  » Suivent quelques critiques, puis de grands compliments sur deux pièces seulement  : le sonnet Tristesse de la Lune «  qui a l’air d’être d’un Anglais contemporain de la jeunesse de Shakespeare  » et À celle qui est trop sage dont il dit  : «  Pourquoi cette pièce n’est-elle pas en latin, ou plutôt en grec  ?   » J’oublie qu’un peu plus haut il lui avait parlé de sa «  finesse d’exécution  ». Et comme il aime les métaphores suivies, il termine ainsi  : «  Mais encore une fois il ne s’agit pas de compliments à quelqu’un qu’on aime…  » – et qui vient de vous envoyer Les Fleurs du Mal, quand on a passé sa vie à en faire à tant d’écrivains sans talent…

Mais ce n’est pas tout, cette lettre, Sainte-Beuve, dès qu’il avait su qu’on comptait la publier, l’avait redemandée, probablement pour voir s’il ne s’était pas laissé aller à trop d’éloges (ceci du reste est simplement une supposition de ma part). En tout cas en la donnant dans les Causeries du Lundi, il