Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/150

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quons en passant que les «  malices enveloppées  » ne vont pas beaucoup avec le «  Vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant.  » Avec Sainte-Beuve que de fois on est tenté de s’écrier quelle vieille bête ou quelle vieille canaille.

Une autre fois (et peut-être bien parce que Sainte-Beuve avait été publiquement attaqué par les amis de Baudelaire pour n’avoir pas eu le courage de témoigner pour lui en même temps que d’Aurevilly, etc., devant la cour d’assises) à propos des élections à l’Académie, Sainte-Beuve fit un article sur les diverses candidatures. Baudelaire était candidat. Sainte-Beuve, qui du reste aimait donner des leçons de littérature à ses collègues de l’Académie comme il aimait donner des leçons de libéralisme à ses collègues du Sénat, parce que, s’il restait de son milieu, il lui était très supérieur, et qu’il avait des velléités, des accès, des prurits d’art nouveau, d’anticléricalisme et de révolution, Sainte-Beuve parla en termes charmants et brefs des Fleurs du Mal, «  ce petit pavillon que le poète s’est construit à l’extrémité du Kamtchatka littéraire, j’appelle cela la Folie Baudelaire  » (toujours des «  mots  », des mots que les hommes d’esprit peuvent citer en ricanant  : il appelle cela la Folie Baudelaire. Seulement le genre des causeurs qui citaient cela à dîner le pouvaient quand le mot était sur Chateaubriand ou sur Royer-Collard. Ils ne savaient pas qui était Baudelaire). Et il termina par ces mots inouïs  : ce qui est cer-