Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/151

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tain, c’est que M. Baudelaire «  gagne à être vu, que là où l’on s’attendait à voir entrer un homme étrange, excentrique, on se trouve en présence d’un candidat poli, respectueux, exemplaire, d’un gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique dans les formes  ». Je ne peux pas croire qu’en écrivant les mots gentil garçon, gagne à être connu, classique dans les formes, Sainte-Beuve n’ait pas cédé à cette espèce d’hystérie de langage qui, par moments, lui faisait trouver un irrésistible plaisir à parler comme un bourgeois qui ne sait pas écrire, à dire de Madame Bovary  : «  Le début est finement touché.  »

Mais c’est toujours le même procédé  : faire quelques éloges «  d’ami  » de Flaubert, des Goncourt, de Baudelaire, et dire que d’ailleurs ce sont dans le particulier les hommes les plus délicats, les amis les plus sûrs. Dans l’article rétrospectif sur Stendhal, c’est encore la même chose ( «  plus sûr dans son procédé  » ). Et après avoir conseillé à Baudelaire de retirer sa candidature, comme Baudelaire l’a écouté et a écrit sa lettre de désistement, Sainte-Beuve l’en félicite et le console de la façon suivante  : «  Quand on a lu (à la séance de l’Académie) votre dernière phrase de remerciements, conçue en termes si modestes et si polis, on a dit tout haut  : Très bien. Ainsi vous avez laissé de vous une bonne impression. N’est-ce donc rien  ?   » N’était-ce rien que d’avoir fait l’impression d’un homme modeste, d’un «  gentil garçon  » à M. de Sacy et à