Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/153

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À supposer que Baudelaire ne fût pas sincère alors, et que ce fût par politique qu’il tînt à ménager Sainte-Beuve et à lui laisser croire qu’il trouvait qu’il avait bien agi, cela revient toujours au même, cela prouve l’importance que Baudelaire attachait à un article de Sainte-Beuve (qu’il ne peut d’ailleurs pas obtenir), à défaut d’article aux quelques phrases d’éloges qu’il finira par lui accorder. Et tu as vu quelles phrases  ! Mais si piètres qu’elles nous semblent, elles ravissent Baudelaire. Après l’article «  gagne à être connu, c’est un gentil garçon, folie Baudelaire, etc.  », il écrit à Sainte-Beuve  : «  Encore un service que je vous dois  ! Quand cela finira-t-il  ? Et comment vous remercier  ? Quelques mots, cher ami, pour vous peindre le genre particulier du plaisir que vous m’avez procuré… Quant à ce que vous appelez mon Kamtchatka, si je recevais souvent des encouragements aussi vigoureux que celui-là, je crois que j’aurais la force d’en faire une immense Sibérie, etc. Quand je vois votre activité, votre vitalité, je suis tout honteux (de son impuissance littéraire  !). Faut-il maintenant que moi, l’amoureux incorrigible des Rayons jaunes et de Volupté, de Sainte-Beuve poète et romancier, je complimente le journaliste  ? Comment avez-vous fait pour arriver à cette altitude de forme, etc., j’ai retrouvé là toute votre éloquence de conversation, etc.  », et pour finir  : «  Poulet-Malassis brûle de faire une brochure avec votre admirable arti-