cle. » Il ne borne pas sa reconnaissance à une lettre, il fait un article non signé dans la Revue anecdotique sur l’article de Sainte-Beuve : « Tout l’article est un chef-d’œuvre de bonne humeur, de gaîté, de sagesse, de bon sens et d’ironie. Tous ceux qui ont l’honneur de connaître intimement l’auteur de Joseph Delorme, etc. » Sainte-Beuve remercie le directeur en disant à la fin, toujours avec ce goût de faire dérailler le sens des mots : « Je salue et respecte le bienveillant anonyme. » Mais Baudelaire, n’étant pas certain que Sainte-Beuve l’avait reconnu, lui écrit pour lui dire que l’article est de lui.
Tout cela vient à l’appui de ce que je te disais, que l’homme qui vit dans un même corps avec tout grand génie a peu de rapport avec lui, que c’est lui que ses intimes connaissent, et qu’ainsi il est absurde de juger comme Sainte-Beuve le poète par l’homme ou par le dire de ses amis. Quant à l’homme lui-même, il n’est qu’un homme, et peut parfaitement ignorer ce que veut le poète qui vit en lui. Et c’est peut-être mieux ainsi. C’est notre raisonnement qui, dégageant de l’œuvre du poète sa grandeur, dit : c’est un roi, et le voit roi, et voudrait qu’il se conduisît en roi. Mais le poète ne doit nullement se voir ainsi pour que la réalité