Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/183

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commandes, que les travaux s’arrêtent, que l’artiste a eu des dettes, les a payées, mais qu’enfin il doit encore à un marbrier, à des praticiens, et qu’il compte sur son travail pour payer cela… Une lettre d’un frère marié vous révèle que ce frère lutte avec courage pour sa femme et ses enfants, et qu’il est en péril  ; qu’une sœur mal mariée est à Calcutta dans une profonde misère  ; et enfin une autre révélation vous arrive que le sculpteur a une vieille mère à laquelle il est obligé de faire une pension…

Suppose que dans ces circonstances un autre parti se présente. Le jeune homme est bien, il n’est grevé d’aucune dette, il a trente mille francs de rente, et est avocat général. Que font Mme Surville et son mari  ? Ils voient d’un côté une famille pauvre, un avenir incertain  ; ils trouvent des prétextes, et Sophie devient femme d’un procureur général avec trente mille livres de rente.

Le sculpteur remercié se dit  : «  Que diable ma mère a-t-elle fait en m’écrivant, que diable ma sœur de Calcutta faisait-elle de m’écrire sur sa situation  ! que mon frère ne se tenait-il tranquille  ! Nous voilà tous bien avancés  ; j’avais un mariage qui faisait ma fortune, mais par-dessus tout, mon bonheur  ; tout est à vau-l’eau pour des vétilles.  » Ailleurs, ce sera dans La Recherche de l’Absolu ces arrangements pour retrouver en hâte des mines de romans. De même que sa sœur son beau-frère, sa