Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/188

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sonnages de ses livres, dira  : «  Il avait le génie des Claude Bernard, des Bichat, des Desplein, des Bianchon  », comme ces peintres de panorama, qui mêlant aux premiers plans de leur œuvre, les figures en relief réel, et le trompe-l’œil du décor. Bien souvent ces personnages réels, ne sont pas plus que réels. La vie de ses personnages est un effet de l’art de Balzac, mais cause à l’auteur une satisfaction qui n’est pas du domaine de l’art. Il parle d’eux comme de personnages réels, voire illustres  : «  le célèbre ministère de feu de Marsay, le seul grand homme d’État qu’ait produit la révolution de Juillet, le seul homme par qui la France eût pu être sauvée  », tantôt avec la complaisance d’un parvenu qui ne se contente pas d’avoir de beaux tableaux, mais fait sonner perpétuellement le nom du peintre et le prix qu’on lui a offert de la toile, tantôt avec la naïveté d’un enfant qui, ayant baptisé ses poupées, leur prête une existence véritable. Il va même jusqu’à les appeler tout d’un coup, et quand on a encore peu parlé d’eux, par leurs prénoms, que ce soit la princesse de Cadignan ( «  Certes, Diane ne paraissait pas avoir vingt-cinq ans  » ), Mme de Sérizy ( «  Personne n’aurait pu suivre Léontine, elle volait  » ) ou Mme de Bartas ( «  Biblique  ? répondit Fifine étonnée  » ). Dans cette familiarité nous voyons un peu de vulgarité, et nullement ce snobisme, qui faisait dire à Mme de