Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/189

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Nucingen «  Clotilde  » en parlant de Mlle de Grand-lieu «  pour se donner, dit Balzac, le genre de l’appeler par son petit nom comme si elle, née Goriot, hantait cette société  ».

Sainte-Beuve reproche à Balzac d’avoir grandi l’abbé Troubert qui devient à la fin une sorte de Richelieu, etc. Il a fait de même pour Vautrin, combien d’autres. Ce n’est pas seulement par admiration et grandissement de ces personnages et pour les faire ce qu’il y a de mieux dans leur genre, comme Bianchon et Desplein sont les égaux de Claude Bernard ou de Laënnec, et M. de Grandville de d’Aguesseau, mais c’est aussi la faute d’une théorie chère à Balzac sur le grand homme à qui la grandeur des circonstances a manqué, et parce que en réalité c’est précisément son objet de romancier  : faire de l’histoire anonyme, étudier certains caractères historiques, tels qu’ils se présentent en dehors du facteur historique qui les pousse à la grandeur. Tant que c’est une vue de Balzac, cela ne choque pas. Mais quand Lucien de Rubempré au moment de se tuer écrit à Vautrin  : «  Quand Dieu le veut, ces êtres mystérieux sont Moïse, Attila, Charlemagne, Mahomet ou Napoléon  ; mais quand il laisse rouiller au fond de l’océan d’une génération ces instruments gigantesques, ils ne sont plus que Pougatcheff, Fouché, Louvel ou l’abbé Carlos Herrera. Adieu donc, adieu, vous qui