Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/190

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dans la bonne voie eussiez été plus que Ximenez, plus que Richelieu, etc.  », Lucien parle trop comme Balzac et il cesse d’être une personne réelle, différente de toutes les autres. Ce qui, malgré la prodigieuse diversité entre eux et identité avec eux-mêmes des personnages de Balzac, arrive tout de même quelquefois pour une cause ou une autre.

Par exemple, quand tout de même les types étaient chez lui moins nombreux que les individus, on sent que l’un n’est qu’un des différents noms d’un même type. Par moments, Mme de Langeais semble être Mme de Cadignan, ou M. de Mortsauf, M. de Bargeton.

À ces traits, nous reconnaissons Balzac et nous sourions, non sans sympathie. Mais, à cause de cela, tous les détails destinés à faire ressembler davantage les personnages des romans à des personnes réelles, tournent à l’encontre  ; le personnage vivait, Balzac en est si fier qu’il cite, sans nécessité, le chiffre de sa dot, ses alliances avec d’autres personnages de La Comédie humaine qui sont ainsi considérés comme réels, ce qui lui semble faire coup double  : «  Mme de Sérizy n’y était pas reçu (quoique née de Ronquerolles).  » Mais parce qu’on voit le tour de main de Balzac, on croit un peu moins à la réalité de ces Grandlieu qui ne recevaient pas Mme de Sérizy. Si l’impression de la vitalité de charlatan, de l’artiste, est accrue, c’est aux dépens de l’impression de vie de l’œuvre d’art  ! Œuvre d’art tout de même et qui, si elle s’adultère