Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/191

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un peu de tous ces détails trop réels, de tout ce côté Musée Grévin, les tire à elle aussi, en fait un peu de l’art. Et comme tout cela se rapporte à une époque, en montre la défroque extérieure, en juge le fond avec grande intelligence, quand l’intérêt du roman est épuisé, il recommence une vie nouvelle comme document d’historien. De même que L’Énéide, là où elle n’a rien à dire aux poètes, peut passionner les mythologues, Peyrade, Félix de Vandenesse, bien d’autres ne nous semblèrent pas très riches de vie. Albert Sorel va nous dire que c’est en eux qu’il faut étudier la police du Consulat ou la politique de la Restauration. Le roman même en bénéficie. À ce moment si triste où il nous faut quitter un personnage de roman, moment que Balzac a retardé tant qu’il a pu en le faisant reparaître dans d’autres, au moment où il va s’évanouir et n’être plus qu’un songe, comme les gens qu’on a connus en voyage et qu’on va quitter, on apprend qu’il prennent le même train, qu’on pourra les retrouver à Paris  ; Sorel nous dit  : «  Mais non, ce n’est pas un songe, étudiez-les, c’est de la vérité, c’est de l’histoire.  »

Aussi continuerons-nous à ressentir et presque à satisfaire, en lisant Balzac, les passions dont la haute littérature doit nous guérir. Une soirée dans le grand monde décrite dans Balzac y est dominée par la pensée de l’écrivain, notre mondanité