Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/192

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y est purgée comme dirait Aristote  ; dans Balzac, nous avons presque une satisfaction mondaine à y assister. Ses titres eux-mêmes portent cette marque positive. Tandis que souvent chez les écrivains le titre est plus ou moins un symbole, une image qu’il faut prendre dans un sens plus général, plus poétique que la lecture du livre qui donnera, avec Balzac c’est plutôt le contraire. La lecture de cet admirable livre qui s’appelle Les Illusions perdues restreint et matérialise plutôt ce beau titre  : Illusions perdues. Il signifie que Lucien de Rubempré venant à Paris s’est rendu compte que Mme de Bargeton était ridicule et provinciale, que les journalistes étaient fourbes, que la vie était difficile. Illusions toutes particulières, toutes contingentes, dont la perte peut l’acculer au désespoir et qui donnent une puissante marque de réalité au livre, mais qui font rabattre un peu de la poésie philosophique du titre. Chaque titre doit ainsi être pris au pied de la lettre  : Un Grand Homme de Province à Paris, Splendeur et Misère des Courtisanes, À combien l’Amour revient aux Vieillards, etc. Dans La Recherche de l’Absolu, l’absolu est plutôt une formule, une chose alchimique que philosophique. Du reste, il en est peu question. Et le sujet du livre est bien plutôt les ravages que l’égoïsme d’une passion étend dans une famille aimante qui la subit, quel que soit