Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/197

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la défiance naturelle aux avoués  ». Et quand il y a une explication à donner, Balzac n’y met pas de façons  ; il écrit voici pourquoi  : suit un chapitre. De même, il a des résumés où il affirme tout ce que nous devons savoir, sans donner d’air, de place  : «  Dès le second mois de son mariage, David passait la plus grande partie de son temps, etc., trois mois après son arrivée à Angoulême, etc.  » «  La religieuse donna au Magnificat de riches, de gracieux développements dont les différents rythmes accusaient une gaîté humaine.  » «  Les motifs eurent le brillant des roulades d’une cantatrice, ses chants sautillèrent comme l’oiseau, etc.  »

Il ne cache rien, il dit tout. Aussi est-on étonné de voir que cependant il y a de beaux effets de silence dans son œuvre. Goncourt s’étonnait pour L’Éducation, moi, je m’étonne bien plus des dessous de l’œuvre de Balzac. «  Vous connaissez Rastignac  ? Vrai  ?…  »

Balzac est comme ces gens qui, entendant un Monsieur dire  : «  le Prince  » en parlant du duc d’Aumale, «  Madame la duchesse  » en parlant à une duchesse, et le voyant poser son chapeau par terre dans un salon, avant d’apprendre qu’on dit d’un prince  : le Prince, qu’il s’appelle le comte de Paris, le prince de Joinville, ou le duc de Chartres, et d’autres usages, ont dit  : «  Pourquoi dites-vous  :