Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/199

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des interprétations  : «  le duc de Chaulieu vint trouver dans son cabinet le duc de Grandlieu qui l’attendait  : «  Dis donc, Henri (ces deux ducs se tutoyaient et s’appelaient par leurs noms. C’est une de ces nuances inventées pour marquer les degrés de l’intimité, repousser les envahissements de la familiarité française et humilier les amours-propres).  » Il faut du reste dire que, comme les littérateurs néo-chrétiens qui attribuent à l’Eglise, sur les écrits des littérateurs, un pouvoir auquel les papes les plus sévères sur l’orthodoxie n’ont jamais pensé, Balzac confère aux ducs des privilèges dont Saint-Simon, qui pourtant les place si haut, eût été bien stupéfait de les voir douer  : «  Le duc jeta sur Mme Camusot un de ces rapides regards par lesquels les grands seigneurs analysent toute une existence, et souvent l’âme. Ah  ! si la femme du juge avait pu connaître ce don des ducs.  » Si vraiment les ducs du temps de Balzac possédaient ce don, il faut reconnaître qu’il y a, comme on dit, quelque chose de changé.

Quelquefois ce n’est pas directement que Balzac exprime cette admiration que ses moindres mots lui inspirent. Il confie l’expression de cette admiration aux personnages en scène. Il y a une nouvelle de Balzac fort célèbre appelée Autre Étude de Femme. Elle se compose de deux récits qui n’exigeraient pas grande figuration, mais presque tous