Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tolstoï la vérité comme de quelqu’un de plus grand et de plus fort que soi. Balzac, on sait toutes ses vulgarités, elles nous ont souvent rebuté au début  ; puis on a commencé à l’aimer, alors on sourit à toutes ces naïvetés qui sont si bien lui-même  ; on l’aime, avec un tout petit peu d’ironie qui se mêle à la tendresse  ; on connaît ses travers, ses petitesses, et on les aime parce qu’elles le caractérisent fortement.

Balzac, ayant gardé par certains côtés un style inorganisé, on pourrait croire qu’il n’a pas cherché à objectiver le langage de ses personnages, ou, quand il l’a fait objectif, qu’il n’a pu se tenir de faire à toute minute remarquer ce qu’il avait de particulier. Or, c’est tout le contraire. Ce même homme qui étale naïvement ses vues historiques, artistiques, etc., cache les plus profonds desseins, et laisse parler d’elle-même la vérité de la peinture du langage de ses personnages, si finement qu’elle peut passer inaperçue, et il ne cherche en rien à la signaler. Quand il fait parler la belle Mme Roguin qui, Parisienne d’esprit, pour Tours est la femme du préfet de la province, comme toutes les plaisanteries qu’elle fait sur l’intérieur des Rogron sont bien d’elle et non de Balzac  !

Les plaisanteries des clercs, le chant de Vautrin «  Trim la la trim trim  !   », la nullité de la conversation du duc de Grandlieu et du vidame de Pamiers  : «  Le comte de Montriveau est mort, dit le vidame, c’était un gros homme qui avait