Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/205

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une incroyable passion pour les huîtres. – Combien en mangeait-il donc  ? dit le duc de Grandlieu. – Tous les jours dix douzaines. – Sans être incommodé  ? – Pas le moins du monde. – Oh  ! mais c’est extraordinaire  ! Ce goût ne lui a pas donné la pierre  ? – Non, il s’est parfaitement porté, il est mort par accident. – Par accident  ! la nature lui avait dit de manger des huîtres, elles lui étaient probablement nécessaires.  » Lucien de Rubempré, même dans ses apartés, a juste la gaîté vulgaire, le relent de jeunesse inculte qui doit plaire à Vautrin, «  Alors, pensa Lucien, il connaît la bouillotte.  » «  Le voilà pris.  » «  Quelle nature d’Arabe  !   » Lucien se dit à lui-même  : «  Je vais le faire poser.  » «  C’est un lascar qui n’est pas plus prêtre que moi.  » Et de fait, Vautrin n’a pas été seul à aimer Lucien de Rubempré. Oscar Wilde, à qui la vie devait hélas apprendre plus tard qu’il est de plus poignantes douleurs que celles que nous donnent les livres, disait dans sa première époque (à l’époque où il disait  : «  Ce n’est que depuis l’école des lakistes qu’il y a des brouillards sur la Tamise  » )  : «  Le plus grand chagrin de ma vie  ? La mort de Lucien de Rubempré dans Splendeurs et Misères des Courtisanes.  » Il y a d’ailleurs quelque chose de particulièrement dramatique dans cette prédilection et cet attendrissement d’Oscar Wilde, au temps de sa vie brillante, pour