Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/210

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samment répétées par la ville de Tours  ».

Il ose donner comme raison de succès qu’il a flatté les infirmités des femmes, celles qui commencent à ne plus être jeunes (La Femme de trente Ans)  : «  Mon sévère ami disait  : Henri IV a conquis son royaume ville à ville, M. de Balzac a conquis son public maladif par infirmités. Aujourd’hui les femmes de trente ans, demain celles de cinquante (il y a même eu celles de soixante), après-demain les chlorotiques, dans Claës les contrefaites, etc.  » Et il ose ajouter une autre raison de la vogue rapide de Balzac par toute la France  : «  C’est son habileté dans le choix successif des lieux où il établit la suite de ses récits.  » On montrera au voyageur dans une des rues de Saumur la maison d’Eugénie Grandet, à Douai probablement on désigne déjà la maison Claës. De quel doux orgueil a dû sourire, tout indulgent tourangeau qu’il est, le possesseur de la Grenadière. Cette flatterie adressée à chaque ville où l’auteur pose ses personnages lui en vaut la conquête. Que parlant de Musset qui dit qu’il aime les bonbons et les roses, etc., il ajoute  : «  Quand on a aimé tant de choses…  », on le comprend. Mais qu’il veuille faire un grief à Balzac de l’immensité même de son dessein, de la multiplicité de ses peintures, qu’il appelle cela un pêle-mêle effrayant  : «  Ôtez de ses contes La Femme de trente Ans, La Femme