Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fond, de subtil, de puissant, d’écrasant, d’original, de saisissant, comme les cinquante cathédrales ou les quarante nénuphars de Monet. Amateur passionné de peinture, il avait parfois joie à penser que lui aussi avait une belle idée de tableau, d’un tableau dont on raffolerait. Mais toujours c’était une idée, une idée dominante, et non une peinture non préconçue comme le croit Sainte-Beuve. À ce point de vue Flaubert même avait moins cette idée préconçue que lui. Couleur de Salammbô, Bovary. Commencement d’un sujet qui ne lui plaît pas, prend n’importe quoi pour travailler. Mais tous les grands écrivains se rejoignent par certains points, et sont comme les différents moments, contradictoires parfois, d’un seul homme de génie qui vivrait autant que l’humanité. Où Flaubert rejoint Balzac, c’est quand il dit  : «  Il me faut une fin splendide pour Félicité.  »

Cette réalité selon la vie des romans de Balzac, fait qu’il donnent pour nous une sorte de valeur littéraire à mille choses de la vie qui jusque-là nous paraissaient trop contingentes. Mais c’est justement la loi de ces contingences qui est dégagée dans son œuvre. Ne reparlons pas des événements, des personnages balzaciens. Nous ne disons jamais, nous deux, n’est-ce pas, que des choses que les autres n’ont pas dites. Mais par exemple, une femme de mauvaise vie qui a lu Balzac et qui, dans un pays où elle n’est pas connue, éprouve un amour sincère qui lui est rendu  ; ou même étendons