visiteurs m’ennuyaient, elle me disait : « Voulez-vous monter voir Henri ? Il dit qu’il n’est pas là, mais vous, il sera ravi de vous voir ! » (déchirant ainsi d’un coup les mille précautions que prenait M. de Guermantes pour qu’on ne sût pas qu’il était à la maison et qu’on ne pût trouver impoli qu’il ne se montrât pas). « Vous n’avez qu’à vous faire conduire à la bibliothèque du second, vous le trouverez en train de lire Balzac. » « Ah ! si vous mettez mon mari sur Balzac ! » disait-elle souvent, d’un air d’effroi et de congratulation, comme si Balzac avait été à la fois un contre-temps qui empêchait de sortir à l’heure et faisait manquer la promenade et aussi une sorte de faveur particulière à M. de Guermantes, qu’il n’accordait pas à tout le monde, et dont je devais me trouver bien heureux d’être gratifié.
Mme de Guermantes expliquait aux personnes qui ne savaient pas : « C’est que mon mari, vous savez, quand on le met sur Balzac, c’est comme le stéréoscope ; il vous dira d’où vient chaque photographie, le pays qu’elle représente ; je ne sais pas comment il peut se rappeler tout cela, et pourtant c’est bien différent de Balzac, je ne comprends pas comment il peut mener des choses si différentes de front. » Une parente désagréable, la baronne des Tapes, prenait toujours à ce moment une expression glaciale, l’air de ne pas entendre, d’être absente et cependant blâmer, car elle estimait que Pauline se rendait ridicule et