Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dubitativement il fallait qu’elle en fût sûre  : Je crois qu’après le dîner Monsieur de Guermantes montrera le stéréoscope.  » Et si M. de Guermantes le montrant pour moi, elle disait  : «  Dame, que voulez-vous, pour ce petit-là, vous savez, je ne sais pas ce que mon mari ne ferait pas.  » Et les personnes présentes me regardaient avec envie, et une certaine cousine pauvre de Villeparisis qui aimait beaucoup flatter les Guermantes disait sur un ton de marivaudage piqué  : «  Mais Monsieur n’est pas le seul, je me rappelle très bien que mon cousin a montré le stéréoscope pour moi, il y a deux ans, vous ne vous rappelez pas  ? Oh  ! moi je n’oublie pas ces choses-là, j’en suis très fière  !   » Mais la cousine n’était pas admise à monter dans la bibliothèque du second.

La pièce était fraîche, les volets étaient toujours fermés, la fenêtre aussi s’il faisait très chaud dehors. S’il pleuvait, la fenêtre était ouverte  ; on entendait la pluie couler sur les arbres, mais même si elle cessait, le comte n’ouvrait pas les volets, dans sa peur qu’on pût l’apercevoir d’en bas et savoir qu’il était là. Si je m’approchais de la fenêtre, il me tirait précipitamment  : «  Prenez garde qu’on ne vous voie, on devinerait que je suis là  », ne sachant pas que sa femme avait dit devant tout le monde  : «  Montez donc au second voir mon mari.  » Je ne dis pas que le bruit de la pluie tombant par la fenêtre dévidât en lui ce parfum ténu et glacé, la substance fragile et pré-