Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/226

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jamais son avis sur une chose que le comte ou la comtesse faisaient, cela faisait partie de la bonne éducation. La conversation était d’ailleurs fort lente, à voix assez basse. Seule la question des parentés incendiait instantanément le comte. «  Mais c’est ma cousine  !   » s’écriait-il à un nom prononcé, comme s’il s’agissait d’une chance inespérée et d’un ton qui donnait envie de lui répondre – «  Mais je ne dis pas le contraire.  » Il le disait du reste plutôt à des étrangers, car le duc de X… et le marquis Y… n’avaient rien à apprendre de lui à ce sujet. Quelquefois pourtant ils allaient au-devant et disaient  : «  Mais c’est votre cousine, Astolphe, par les Montmorency. – Mais naturellement  », s’exclamait Astolphe, craignant que l’affirmation du duc de X… ne fût pas absolument certaine.

La comtesse affectait une jolie manière «  terrienne  » de parler. Elle disait  : «  C’est une cousine à Astolphe, elle est bête comme eun oie. C’est su le champ de courses, la duchesse de Rouen (pour Rohan).  » Mais elle avait un joli langage. La conversation du comte au contraire, vulgaire au possible, permettait de recueillir presque tous les parasites du langage, comme certaines plages sont favorables aux zoologistes pour y trouver de grandes quantités de mollusques. «  Ma tante de Villeparisis, qui est une bonne pièce  », ou «  qui en a de bonnes  », ou «  qui est une fine mouche  », ou «  qui est une bonne peste  », «  je vous assure