Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/229

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Quelquefois le marquis était venu voir son frère  ; dans ce cas ils «  se mettaient  » volontiers sur Balzac, car c’était une lecture de leur temps, ils avaient lu ces livres-là dans la bibliothèque de leur père, celle précisément qui était maintenant chez le comte qui en avait hérité. Leur goût pour Balzac avait gardé, dans sa naïveté première, les préférences des lectures d’alors, avant que Balzac ne fût devenu un grand écrivain, et soumis comme tel aux variations du goût littéraire. Quand quelqu’un disait Balzac, le comte, si la personne était persona grata, citait quelques titres, et ce n’étaient pas ceux des romans de Balzac que nous admirons le plus. Il disait  : «  Ah  ! Balzac  ! Balzac  ! Il faudrait du temps  ! Le Bal de Sceaux par exemple  ! Vous avez lu Le Bal de Sceaux  ? C’est charmant  !   » Il est vrai qu’il disait de même du Lys dans la Vallée  : «  Mme de Mortsauf  ! Vous n’avez pas lu tout cela, vous autres, hein  ! Charles (interpellant son frère), Mme de Mortsauf, Le Lys dans la Vallée, c’est charmant  !   » Il parlait aussi du Contrat de Mariage qu’il appelait de son premier titre «  La Fleur des Pois  » et aussi de La Maison du Chat-qui-pelote. Les jours où il était tout à fait mis sur Balzac, il citait aussi des œuvres qui à vrai dire ne sont pas de Balzac, mais de Roger de Beauvoir et de Céleste de Chabrillan. Mais il faut dire à son excuse que la petite bibliothèque, où on lui montait le sirop