Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/230

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et les biscuits et où les jours de pluie, par la fenêtre ouverte, s’il n’y avait personne qui pût le voir d’en bas, il recevait les saluts du peuplier fouetté par le vent qui faisait la révérence trois fois par minute, était pourvue à la fois des œuvres de Balzac, d’Alphonse Karr, de Céleste de Chabrillan, de Roger de Beauvoir et d’Alexandre Duval, tous reliés pareils. Quand on les ouvrait et que le même papier mince couvert de grands caractères vous présentait le nom de l’héroïne, absolument comme si ce fût elle-même qui se fût présentée à vous sous cette apparence portative et confortable, accompagnée d’une légère odeur de colle, de poussière et de vieillesse qui était comme l’émanation de son charme, il était bien difficile d’établir entre ces livres une division prétendue littéraire qui reposait artificiellement sur des idées étrangères à la fois au sujet du roman et à l’apparence des volumes  ! Et Blanche de Mortsauf, etc., employaient pour s’adresser à vous des caractères d’une netteté si persuasive (le seul effort que vous aviez à faire pour les suivre était de tourner ce papier que la vieillesse avait rendu transparent et doré, mais qui gardait le moelleux d’une mousseline) qu’il était impossible de ne pas croire que le conteur ne fût pas le même et qu’il n’y eût pas une parenté beaucoup plus étroite entre Eugénie Grandet et la duchesse de Mers, qu’entre Eugénie Grandet et un roman de Balzac à un franc.

Je dois avouer que je comprends M. de Guer-