Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/242

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qui étaient rares et où il faisait tard une courte apparition…

La poésie qu’avaient perdu par la fréquentation le comte et le comtesse de Guermantes s’était reportée pour moi sur le prince et la princesse de Guermantes. Bien qu’assez proches parents, comme je ne les connaissais pas, ils étaient pour moi le nom de Guermantes. Je les avais entrevus chez les Guermantes et ils m’avaient fait un vague salut de gens qui n’ont aucune raison de vous connaître. Mon père qui passait tous les jours devant leur hôtel, rue de Solferino, disait  : « C’est un palais, un palais de conte de fées.  » De sorte que cela s’était amalgamé pour moi avec les féeries incluses dans le nom de Guermantes, avec Geneviève de Brabant, la tapisserie où avait posé Charles VIII et le vitrail de Charles le Mauvais. La pensée que je pourrais un jour être lié avec eux ne me serait même pas entrée dans l’esprit, quand un jour j’ouvris une enveloppe  : «  Le prince et la princesse de Guermantes seront chez eux le…  »

Il semblait qu’un plaisir intact, non dégradé par aucune idée humaine, aucun souvenir matériel de fréquentation qui rend les choses pareilles aux autres, m’était offert sur cette carte. C’était un nom, un pur nom, encore plein de ses belles images qu’aucun souvenir terrestre n’abaissait, c’était un