Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/275

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deux flèches d’église, où il est encastré comme sur une plage normande un galet entre deux coquillages ajourés, entre les tourelles rosâtres et nervurées de deux bernard-l’hermite, si les invités arrivés plus tôt avant dîner peuvent, en descendant du salon plein de pièces chinoises précieuses acquises à l’époque des grands commerces des marins normands avec l’Extrême-Orient, se promener avec les membres des différentes familles nobles, qui résident de Coutances à Caen, et de Thury-Harcourt à Falaise, dans le jardin qui descend en pente, bordé par les fortifications de la ville, jusqu’à la rivière rapide où, attendant le dîner, on peut pêcher dans la propriété, comme dans une nouvelle de Balzac, qu’importe que cette famille soit venue de Provence s’établir ici et que son nom soit provençal  ? Il est devenu Normand comme ces beaux hortensias roses qu’on aperçoit d’Honfleur à Valognes et de Pont-L’Evêque à Saint-Vaast, comme un fard rapporté, mais qui caractérise maintenant la campagne qu’il embellit, et qui mettent dans un manoir normand la couleur délicieuse, ancienne et fraîche d’une faïence chinoise apportée de Pékin, mais par Jacques Cartier.

D’autres ont un château perdu dans les bois et la route est longue pour arriver jusqu’à eux. Au Moyen Age on n’entendait autour de lui que le son du cor et l’aboi des chiens. Aujourd’hui, quand un voyageur vient le soir leur rendre visite,