Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Maman s’il est bien sage. Sursum corda  », ajouta-t-elle, avec cette indécision qu’elle affectait quand elle faisait une citation latine, pour avoir l’air de se tromper. Le train partit, je restais, mais il me sembla que quelque chose de moi s’en allait aussi.

C’est comme cela que je l’avais vu quand je rentrais des promenades du côté de Guermantes et que tu ne devais pas venir me dire bonsoir dans mon lit, comme cela que je le voyais quand nous t’avions mise en chemin de fer et que je sentais que c’était dans une ville où tu ne serais plus qu’il allait falloir vivre. Alors, j’ai eu ce besoin que j’avais alors, ma petite Maman, et que personne ne pouvait entendre, d’être près de toi et de t’embrasser. Et comme les hommes sont moins courageux que les enfants, et que leur vie est moins cruelle, j’ai fait ce que j’aurais fait, si j’avais osé, les jours où tu venais de quitter Combray, j’ai pris le train. Je heurtais dans ma tête toutes les possibilités de partir, d’avoir encore le train du soir, les résistances qu’on m’opposerait peut-être parce qu’on ne comprendrait pas ma volonté sauvage, mon besoin de toi comme un besoin d’air quand on étouffe. Et Mme de Villepariris, qui ne