Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/28

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— Voici un temps qui n’est pas défavorable. Les longues nuits et les pluies vont aider la terre à retenir le fumet du gibier. Les courants vont pouvoir travailler.

— Eh oui, Monsieur Timothée, répondit le jeune homme, vous partez au mauvais moment. Et voici le temps encore où les bécasses vont arriver…

Tous deux aimaient la terre et la connaissaient, non point en artistes ni en poètes, mais dans le détail ; non dans son lyrisme, mais dans sa vie journalière ; non poétiquement, mais humblement, fraternellement. Tous deux, à des degrés divers, avaient reçu une forte nourriture intellectuelle. Le père de Maurice, esprit fumeux, théoricien diffus, et non dépourvu d’ambition, avait de bonne heure envoyé son fils au lycée de Meaux. Dépassant de beaucoup la culture assez simple de M. Vincent, l’enfant s’y était pris d’amour pour les beaux livres, la belle prose, la belle langue, pour les idées. Mais il avait gardé le goût enfantin de la campagne. Il sentait qu’il valait mieux dans une prairie mouillée d’automne que dans une salle d’étude. L’odeur sordide des classes le poursuivait. C’était un avertissement confus qu’il serait plus