Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/43

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les amoncellements de métaux, les fumées grises. Il s’arrêta, tourna son cheval vers la ville. Il voulait revoir encore ce spectacle : cela lui faisait un peu comme l’arrivée à Londres, par Charing Cross, pendant la nuit. Il trouvait étrangement reposant que ces prairies normandes, ces landes, dominassent la force brutale de ces gréements lointains.

Homme heureux et simple que Nangès, primesautier, spontané, tout en vibrations instantanées… Déjà il ne pense plus au jeune adolescent de Crécy. Sa pensée ne va pas par ondes superficielles, propagées de proche en proche, mais par approfondissements, par plongées immédiates.

Voici que le paysage insignifiant de ces coteaux normands et de cette ville, alchimisé, lui fait oublier, mieux que ne le pourrait faire un souvenir heureux, la médiocrité de la garnison, la déchéance de son rêve d’autrefois d’une armée violente et orgueilleuse, sans concessions. Il n’a plus que, repliée en lui, la vive sensation de cette force mécanique, industrielle, métallurgique, toute prête à dompter le destin. Ainsi il sait s’adapter, et, sans trop de violence, faire rentrer toute chose dans le