Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/45

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monisées. Il suffisait du moindre choc pour que Nangès s’y reportât. Un hasard bienfaisant l’avait forcé d’exprimer certaines pensées assez secrètes, de sorte qu’il se hâtait de regarder mieux, pour se donner à lui-même des raisons. Travail aussi inconscient chez lui que celui des cristaux qui s’organisent suivant une loi géométrique.

À la porte du quartier, les mouvements secs de la sentinelle qui rendait les honneurs accueillirent Nangès. La figure du soldat qui se tenait au « garde à vous » sous les armes l’intéressa. C’était un jeune homme au regard fier et digne, au maintien plein de décence et de noblesse. « Ainsi donc, se disait Nangès, cette fine fleur de liberté, ce fier lys de France qui veut vivre, il pousse partout. Le voici qui s’élance, gracile et fort, près des bastions gazonnés de notre antique citadelle… »

Nangès entra dans le quartier. Au corps de garde, les canonniers se levèrent.

— « La tête haute et droite sans être gênée, les yeux fixés droit devant soi. » — Quel autre règlement que le français pourrait dire cela ? pensait Nangès. Cette phrase-là fait toute notre force.