Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/46

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Il tourna à droite et pénétra dans la cour des écuries. L’ordonnance accourut ; Nangès mit pied à terre et regarda autour de lui. Il se trouva tout à coup très loin du monde. Ce fut une impression rapide, mais irrésistible, totale.

Il est vrai que les bruits de la ville n’arrivent point jusqu’à cette autre ville militaire qui s’appelle, à Cherbourg, l’Arsenal. Et comme rien de moderne ne s’y voit, on peut s’y croire très loin dans le temps et très seul dans l’espace. — Un silence solennel régnait dans cette petite cour. Seul un cheval échappé frappait le pavé de ses sabots. Tout reposait dans la lourde grisaille de la mer septentrionale. Si loin de tout, si seul, Nangès sentit profondément combien il avait dit vrai à Voulangis, quelques jours auparavant.

— Il n’est point d’autre chose, pensait-il. Nous, les soldats, nous ne sommes pas des hommes modernes, et ces lourdes bâtisses, protégées par les glacis à la Montalembert, les terrains vagues de la zone militaire, sont bien faits pour nous abriter.

Il sentait qu’il représentait une grande force du passé, la seule — avec l’Église — qui