Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/47

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restât vierge, non souillée, non décolorée par l’impureté nouvelle. Les soldats ne sont pas des hommes de progrès. Le cœur n’a pas changé, ni les principes, ni la doctrine. Cette pureté, cette simplicité barbares qui sont à eux et leur bien, Nangès les retrouvait là, merveilleusement préservées de toute contamination. Le progrès, c’est une des formes de l’américanisme, et l’américanisme le dégoûtait.

— Ça n’est pas difficile, le progrès, disait-il. Je n’admire pas. Ce qui est difficile, au contraire, c’est de rester pareil, d’être le roc battu de tous les orages, mais qui reste debout et qu’aucun ouragan n’ébranlera.

Il est beau que dans l’armée, une méditation solitaire ne puisse être que dure et ardente. Ainsi Nangès, ce matin-là, apercevait par quelques rapprochements ce que pouvait être l’éducation d’un soldat. Parmi ce sombre décor, il ne craignait pas d’avoir versé une liqueur trop forte dans l’âme du jeune Vincent.

Ce qu’il lui fallait alors, c’était une pensée catholique. Non point celle des Fioretti. Il allait à Pascal ou à J. de Maistre. Tout naturellement, il se tournait vers ces belles tiges droites, sans branches adventices ni