Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/57

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langis, il goûtait avec un plaisir que ne connaîtra jamais un touriste le charme de cette grande plaine briarde quand, après les détours ombragés de la route qui vient de Crécy, après avoir quitté les méandres romantiques du Morin, et aussi les rues tortueuses de la petite ville, après avoir quitté toutes ces sinuosités, ces courbes gracieuses, ces anses, toutes ces beautés de gravure, on arrive de plain-pied dans la plaine (qui est un plateau), et que la route, certainement nationale, file toute droite entre deux rangées d’arbres maigres, très loin, royale, romaine, vers Melun. Il y a là un passage brusque du romantisme au classicisme le plus pur qui agit nerveusement, sensuellement ou sentimentalement, un épurement, un allégement depuis la base jusqu’au sommet, jusqu’à cette substance sereine et dénudée. C’est là que Maurice avait éprouvé les premières peines de l’adolescence. Que, pour la première fois, il s’était effrayé d’apercevoir la vie devant lui, développée en perspective comme cette plaine elle-même, et autant qu’elle désolée et nue.

Il connaissait les longues marches dans la plaine, dans la terre arable ou dans les ja-