Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voilà ce que Maurice voyait à Champigny. Il n’y allait pas chercher une inspiration guerrière, une excitation d’ordre patriotique. Mille faits qu’il savait de ces dates fatales : trente novembre, premier et deux décembre, pourraient lui revenir à la mémoire. Mais non. C’était une image vive qui venait s’interposer entre lui et ce gai village, commerçant et bourgeois. — Voilà les rattachements obscurs qui se font en Maurice Vincent. Il prend garde que cette vision l’occupe, le poursuit, l’obsède, qu’inconsciemment elle prend place dans le monde où l’a mené Nangès. Il n’y est plus dépaysé. Il s’y retrouve chez lui.

Tout occupé de ces pensées, Maurice Vincent en vint à négliger et le foyer paternel et la douce jeune fille qu’il avait élue. Il était transporté d’aise, avait des envies de pleurer de joie. Il en était arrivé à un degré de nervosité qui aurait inquiété quiconque ne connaît pas la beauté de ces élans juvéniles. Sa sensibilité était devenue extrême. Un jour qu’il était dans l’état d’esprit du disciple qui attend les miracles, et que toute chose lui paraissait surprenante, il vint à rôder près de la maison d’école. Comme il allait monter dans