Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

militaire surent choisir ces moines. J’imagine leur couvent comme une sorte de forteresse d’où leurs regards pouvaient embrasser l’immense et circulaire horizon de la chrétienté.

Ce fut Claire qui proposa la première d’aller « visiter les ruines ». Ils s’enquirent du sacristain qui détenait les clefs et pénétrèrent sous la voûte basse où l’on voit encore les pierres tombales de quelques vénérables abbés. Claire eut une désillusion. Quelques chapiteaux romans, quelques débris abîmés par le temps, mais pieusement recueillis et formant une manière de musée, c’est tout ce qui reste de l’abbaye de Jouarre.

Pourtant un sentiment profond anime encore ces pierres mortes. Maurice le sentit passer comme un souffle léger. Son état d’âme était fait d’une sorte de reconnaissance émue et mouillée pour le passé, de respect tempéré d’amitié.

Dans la prairie, il posa un baiser sur les lèvres de son amie : baiser chaste et impur tout ensemble, comme peuvent s’en donner deux fiancés. C’est un geste naturel que d’embrasser la femme que l’on aime parmi les nobles ruines de sa patrie. Il n’est point de douceur