Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

canon ou sabre à la main, et derrière, on aperçoit ces vieilles bâtisses de destination militaire et toutes les formes de l’activité militaire ; — tout ce décor, puissant en lui-même, faisait un cadre digne des artilleurs puissants, des chevaux puissants de Grandier.

— Oui, presque tous, dit-il sont des mineurs du Nord ou du Pas-de-Calais. Tenez, voyez-vous ce brigadier à la face carrée, au nez court et droit, aux yeux de braise ? C’est un de mes meilleurs gradés. Celui-là était à Courrières. Il m’a raconté l’histoire. Et comme ils savent raconter, ces gaillards-là ! Jamais nous ne saurons raconter comme eux… Tous ses parents étaient ensevelis dans la mine. Il était parmi les sauveteurs. Pendant quinze jours, il explore les ruines souterraines. Il retrouve la tête de son père, le bras de son frère. Enfin il quitte la mine. En haut, à la lumière du soleil, c’est la grève. Le voilà qui mène une vraie vie de guérilla. Il surprend une patrouille de gendarmes au détour d’un chemin, en tue un. À Courrières, il lance des pierres sur les soldats… Ce qu’il y a d’admirable dans ces récits, c’est le ton qu’ils y mettent, c’est la voix, tendue, brève, un peu sourde, avec des silences à