Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/79

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ceci : « Il se battra pour l’armée » ! Mon cher cousin, voilà un mot qui fait rêver.

— Mais ce n’est pas tout, continua Grandier. J’ai dit à mon brigadier : Et s’il y avait une grève et qu’on vous commandât de tirer ? Hypothèse affreuse, qui révolte la conscience de tout officier et, plus généralement, de tout bon citoyen, honnête homme et bourgeois. Eh bien ! pas du tout ! Il me répond tranquillement : « Je tâcherais de tuer autant de grévistes que j’ai voulu tuer de soldats autrefois… »

— Comme la discipline, ajouta Grandier, est facile avec ces gens-là.

Nangès s’en fut. Or cette lumière que lui avait apportée Grandier, cette fenêtre qu’il lui avait ouverte, éclairait singulièrement pour lui le cas de son jeune apprenti. Pas en droite ligne, assurément. Mais par approximation, par choc en retour. Non par angle d’incidence, mais par angle de réflexion, — mais ils sont égaux.

— Ainsi sont les Français, se dit-il.

Il alla à ses affaires et oublia sa conversation avec Grandier. Le soir même, tant il est de fatalités dans l’existence, il la devait encore utiliser. Vers dix heures du soir, il était dans la salle de rédaction du journal où son vieil