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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/11

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PHYLLIS

Phyllis, tu feras le thé de ton père à cinq heures et tu le lui porteras.

Phyllis, tu surveilleras « la lessive » ou « tu étendras le linge ».

Résultat : un coup de soleil ! Mais, moi, cela n’a aucune importance !

Et encore :

Phyllis, tu raccommoderas le linge de tes frères et tu mettras des boutons aux chemises.

Phyllis, tu porteras les poires au fruitier avec l’aide de Billy et tu n’en mangeras pas.

Avec l’aide de Billy ?… Oh ! oh !

Ensuite tu mettras le couvert ou tu aideras Kate à faire le pudding… ou tu arroseras les plates-bandes, etc., etc., etc…

— Oui maman… oui maman… oui maman !

Mais à peine la calèche a-t-elle tourné le coin de l’avenue que je pousse mon cri de guerre qui a pour effet de faire jeter cahiers et livres en l’air à Billy et de le faire accourir à la rescousse.

Nous tenant par la main, nous nous élançons dans le petit bois qui fait partie de notre domaine, ou même dans celui de M. Carrington sans aucune permission, et nous lançons des cris de défi aux Indiens Hurons ou aux Mohicans que notre ardente imagination nous fait voir dans les recoins les plus mystérieux des futaies où nous délogeons les lapins dans leurs terriers.

Heureux jours !… mais tristes retours !

Papa attend son thé jusqu’à six heures passé, le linge se morfond dans la lessiveuse, les poires… Mon Dieu, il en reste si peu « avec l’aide de Billy » que ce n’est pas la peine d’en parler ! Le couvert est mis à la diable et Kate a raté le pudding.

Et tout le monde est d’accord pour déclarer que je suis le fléau de la maison.

Quand on a suffisamment parlé de mes horribles méfaits, maman raconte les visites de la journée. Alors, la physionomie de notre père, si terrible que nous n’osons le regarder, Billy et moi, s’épanouit au récit des succès de sa fille aînée.

Dora a été trouvée ravissante chez les Desmond et « idéale » chez Mrs Cuppardge ; elle a chanté, elle a promené sur le piano ses jolies petites mains, deux bijoux précieux qui, du reste, ne servent guère qu’à cela.

Dora est la merveille de la création. Dora est un ange. Aussi, est-il bien naturel que notre chère mère, soucieuse de lui faire un mariage digne de tant de perfections, ait jeté son dévolu sur M. Carrington, notre nouveau propriétaire. Il y a déjà cinq