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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/13

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PHYLLIS

éloigné de mon pays natal et comme il est doux d’entendre à son retour d’aussi charmantes paroles. J’ai mené une vie si errante, si peu civilisée, que je ne puis plus croire à la sympathie de mes semblables.

Il dit tout cela à mi-voix et en regardant ma sœur d’un air pénétré.

Dora ne laisse pas échapper une si belle occasion de rougir du plus bel incarnat, puis, toute confuse, elle laisse retomber ses regards sur son crochet.

— Quel joli ouvrage vous faites là, dit M. Carrington, examinant le bout de dentelle — l’œuvre de tante Pricilla ! — avec un grand intérêt. J’aime à voir travailler les femmes quand leurs mains sont douces et blanches… Mon Dieu, comme ce doit être difficile !

— Oh non ! C’est très simple. N’importe qui est capable d’apprendre en s’y appliquant un peu.

— Laissez-moi regarder de plus près… Quelle mémoire il faut avoir pour retenir tous ces méandres compliqués !

Leurs yeux se rencontrent et leurs têtes rapprochées se penchent sur la dentelle, ils sourient… et enfin Dora baisse ses paupières satinées d’un petit air confus.

Pour moi, témoin muet de ce manège, je tourne la tête d’un air vexé. Suis-je donc un petit chien ou une enfant de quatre ans pour être ainsi comptée pour rien ?

— Où donc, reprend Dora, revenant à la charge, avez-vous été en quittant cette maison ?

— À Strangemore, chez mon oncle. À ce moment ma sœur Ada se maria avec lord Hancock et j’entrai dans les Guards. Vous voyez, ajouta-t-il en plaisantant, combien j’ai le désir de devenir l’un de vos amis, pour que je vous parle ainsi de moi…

— Je suis heureuse que vous le désiriez, dit Dora en relevant ses beaux yeux clairs, mais je crains que vous ne nous trouviez des gens bien ennuyeux. Vous qui avez tant vu le monde, vous vous contenteriez difficilement de la société de campagnards tels que nous…

Là-dessus, un sourire à faire tourner la tête à un saint.

— Si j’en juge d’après ce que j’en connais déjà, répond M. Carrington, je crois que je serais non seulement satisfait, mais tout à fait heureux dans mon nouveau foyer.

Me sentant lasse d’être laissée en dehors de la conversation, je demandai brusquement :

— Pourquoi avez-vous quitté votre régiment ?

Dora soupira et reprit son crochet. M. Carrington se tourna vers moi :