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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/14

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PHYLLIS

— Parce que, dit-il, j’étais fatigué de ce genre de vie. La monotonie m’est insupportable. Aussi, lorsque mon oncle en mourant me fit son héritier, je quittai l’Angleterre et me mis à voyager.

— J’aurais voulu être un homme pour être militaire, repris-je vivement. Comment ne pas aimer la vie de soldat ?… D’ailleurs, tout vaut mieux que de rester un oisif.

J’étais occupée à démêler un grand écheveau de laine rouge avec lequel mon fox-terrier avait joué dans la matinée. Dora me lança un regard d’horreur, puis tourna des yeux suppliants vers notre hôte. M. Carrington eut un rire bref.

— Permettez-moi de déclarer que je ne suis pas un oisif. Il y a des choses utiles a faire en ce monde outre le métier militaire. Je vous en prie, miss… Phyllis, je crois ?… N’ajoutez pas à mes nombreux défauts celui de paresse dont je suis innocent.

— Mon Dieu, que vous devez me trouver impolie ! dis-je pour m’excuser. J’avais promis d’être convenable et je venais de commettre une gaffe formidable… J’en rougis jusqu’aux oreilles et ne fus pas peu dépitée de voir que notre voisin prenait un plaisir visible à constater mon embarras.

— C’est que, continua-t-il sur un ton d’odieuse plaisanterie, si vous aviez mauvaise opinion de moi, miss Phyllis, j’en serais au désespoir !

Une petite pause suivit durant laquelle je me rendis compte que ses yeux étaient fixés sur mon visage devenu écarlate… Tout au fond, je commençai à le haïr.

— Avez-vous revu les jardins ? s’enquit Dora avec à-propos. Une petite promenade vous ferait plaisir. Les allées et les massifs vous rappelleront le temps d’autrefois.

— Je serai enchanté de les revoir avec vous, miss Vernon, répondit M. Carrington en se levant.

Il se tourna vers moi comme pour m’inviter à les suivre. Mais j’étais loin d’avoir retrouvé mon égalité d’humeur. Je fis semblant de m’absorber dans le débrouillage de mon peloton de laine et lui tournai le dos sans façon !


II


Nous sommes au plus doux des mois de l’année, en septembre ; un septembre mûrissant et glorieux, qui ne nous a jamais paru plus beau.

Billy et moi, bravant toutes les défenses, en profitons pour multiplier nos randonnées à travers bois…