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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/15

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PHYLLIS

Non seulement dans le nôtre dont nous apercevons bien vite la limite, mais dans les bois de Strangemore dont les propriétés : champs, prairies et forêt, s’étendent sur plusieurs kilomètres à la ronde.

Cet après-midi nous avions résolu d’aller à la cueillette des noisettes qui doivent être mûres à souhait.

En sortant de table Billy m’avait prévenue.

— Maman et Dora vont en ville, père va chasser chez sir Collins, nous serons libres jusqu’au soir. Prends un panier et va m’attendre à la petite porte du potager.

C’est pourquoi, une heure plus tard, nous nous trouvions tous deux marchant sous les grands arbres du bois de Strangemore, heureux comme des pierrots grisés d’air et de lumière, et nous faisions retentir les bois des airs les plus variés, moi, de ma voix la plus éclatante, Billy de son fausset adolescent.

Parfois la chanson s’arrêtait faute de mémoire et finissait en éclats de rire.

— Voyons, dit Billy avec un soupir de délice, par quel arbre allons-nous commencer ?

Tous les arbres ployaient sous le poids des bouquets de noisettes si grosses, si belles, qu’il était difficile de faire un choix.

— Eh bien ! dis-je d’un ton décidé, nous allons prendre chacun un noisetier. Au premier arrivé !

Et je m’élançai dans l’arbre le plus proche. Je dis bien : dans l’arbre. Mon Dieu ! il n’y avait là personne pour m’en empêcher, et la meilleure manière de faire tomber des noisettes, n’est-ce point de grimper sur le noisetier ?

Celui que j’avais choisi se trouvait, par malheur, dépourvu de branches jusqu’à un mètre cinquante du sol environ. C’était le plus haut et le plus chargé. J’y tenais ! C’est pourquoi je m’acharnais à grimper… Mais la tâche était malaisée. Après le quatrième essai je m’écriai impatiemment :

— Billy, que fais-tu à me regarder et à rire comme un sot ! Pousse-moi ! Aide-moi !

Il m’administra un vigoureux élan qui m’envoya d’un seul coup jusqu’à la branche convoitée.

Bientôt, je me trouvai confortablement installée au milieu de « mon arbre » et faisant craquer les noisettes sous mes dents.

Billy en faisait autant à peu de distance, nous nous amusions à nous jeter les coquilles à la figure en riant de bon cœur quand, tout à coup, le rire mourut sur mes lèvres.

Je fis chut ! à mon frère, et lui désignai du doigt un chasseur qui s’avançait tranquillement dans le