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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/16

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PHYLLIS

sentier… Je le voyais de face. Pourquoi, au nom du ciel, M. Carrington avait-il eu la détestable idée devenir chasser ses lièvres, ce jour-là, au lieu d’aller se promener à cheval jusqu’à la ville où il aurait fait la rencontre de notre délicieuse sœur ? Mais non, il est là, et il va passer devant nous avec une certitude fatale !

— Billy, fis-je d’une voix basse et tremblante, est-ce qu’on voit mes jambes ?

— Pas plus de cinquante centimètres au-dessus de la jarretière, répondit le malin garçon.

D’un effort désespéré j’abaissai ma jupe de toutes mes forces. La branche craqua… la fatalité !

M. Carrington était à dix pas… je le vis sourire… M’avait-il déjà découverte ? Il continua d’avancer de son pas tranquille et ce fut seulement quand il se trouva tout à fait devant mon arbre qu’il leva la tête, puis, soulevant sa casquette d’un geste respectueux :

— Bonjour, mademoiselle Phyllis, la cueillette est-elle bonne ?

— Monsieur… monsieur, balbutiai-je, je suis désolée que nous soyons tombés sur vos noisettes, nous avons dépassé notre bois sans nous en apercevoir et…

— Mes noisettes sont faites pour être mangées, miss Phyllis, et je suis enchanté que vous les trouviez bonnes. Mais si vous voulez bien me suivre, je vous indiquerai un endroit où elles sont d’une qualité supérieure. Il y a aussi une haie avec des mûres…

— Des mûres ! oh ! Je viens. Billy, criai-je du plus haut de ma voix, viens m’aider à descendre. Billy ! Aucune réponse… Hélas ! le malin singe me laissait dans mon embarras ! Comment sauter de si haut, et sous les yeux railleurs qui ne me perdaient pas de vue ?

Je m’écriai tout à coup d’un ton impératif :

— Monsieur Carrington, tournez-moi le dos et surtout ne regardez pas !… Attendez… un instant… Je vous envoie mes… vos noisettes.

Puis, faisant suivre l’action à la parole, je vidai le contenu de mon tablier sur la figure souriante levée vers moi, c’est-à-dire que M. Carrington reçut une volée de petites boules brunes en plein visage. Il se baissa en riant de tout son cœur…

— Pardon, lui dis-je, pardon ! Mais aussi, quelle idée avez-vous eue de vous mettre sous l’arbre !… Maintenant, tournez-vous et ne bougez plus !

— Mon Dieu, hasarda-t-il, si vous n’étiez pas si farouche, je pourrais peut-être vous aider ?

— Non, non, je vous remercie !… Mais je pense ; Où diable Billy a-t-il pu passer ? Oh ! il me revaudra cela. C’est un tour de sa façon.