Aller au contenu

Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
PHYLLIS

à éloigner de votre esprit la connaissance de ces choses.

« C’est justement mon ardent désir de vous épargner inquiétudes et soupçons qui ont causé ma perte.

« J’aurais peut-être dû parler dès le début… Mais vous étiez si jeune, si impressionnable, je craignais que vous ne gardiez une fausse impression de ce qu’ont été, en réalité, mes premières fiançailles, je préférai les passer sous silence pensant que nous n’aurions jamais à y revenir.

« Hélas !

« Veuillez m’écouter, Phyllis, et après vous jugerez si je mérite votre pardon… le pardon de ces mystères dont votre bien était le seul mobile.

« Quand je partis à vingt-sept ans pour les États-Unis avec mon camarade de collège Brewster, un peu plus âgé que moi, je n’avais aucune expérience du monde ni des femmes, ayant toujours vécu au collège ou à la campagne, ou les sports étaient mes seuls plaisirs.

« Au point de vue moral : un enfant.

« Quand je vis m’apparaître miss Dilkes, la plus belle entre les belles de New-York, je fus ébloui, je l’avoue, et de là à être subjugué, il n’y avait qu’un pas.

« Trois semaines après l’avoir vue pour la première fois, je la demandai en mariage et fus agréé.

« C’est alors que commença pour moi l’existence la plus misérable. Ce bonheur du temps des fiançailles que j’avais escompté me fut gâché par la vie mondaine la plus effrénée.

« Traîné dans les bals, les concerts, théâtres, garden-parties, visites, il ne me fut jamais possible de jouir d’un seul instant d’intimité avec ma fiancée. Elle était une « belle » de New-York, elle avait un rôle à soutenir, et j’étais le fantoche qu’elle exhibait dans les réceptions mondaines. Fantoche las, inquiet, ennuyé, parmi un monde qui parlait à peine sa langue, traîné à la remorque d’une belle fille dont toutes les grâces et les sourires étaient pour les autres… et les rebuffades, les volontés impérieuses, les caprices violents pour moi.

« À mesure que le temps du mariage approcha, elle se contraignit de moins en moins et me rendit plusieurs fois le témoin de scènes affreuses, en public aussi bien qu’en particulier, de ces scènes qui sont de nature à faire réfléchir un homme sur le bonheur de sa future vie conjugale.

« Cependant, les préparatifs du mariage avançaient. Ce devait être une des solennités de la saison.